Il n’existe pas de mode d’emploi tant chaque être aimé est unique. Trouver les mots et les gestes qui apaisent, adopter la posture la plus juste malgré son propre chagrin sont parmi les conseils de Christophe Fauré, psychiatre spécialisé dans les situations de rupture et auteur d’Accompagner un proche en fin de vie (Albin Michel).
PFG et PSYCHOLOGIES s'allient pour vous proposer des éléments de réflexions sur des questions fondamentales autour du deuil. Des réponses simples et aidantes d'experts permettront d'accompagner tous ceux qui viennent de perdre un proche et leur entourage dans ce moment éprouvant.
« Mon père, en phase terminale d’une leucémie, ne voulait pas mourir à l’hôpital, mais chez lui, et il souhaitait que mon frère et moi soyons là. Nous avons vécu en vase clos pendant quatre semaines, et même si nous avons traversé des moments très éprouvants, j’en garde un souvenir intense, étonnant, émouvant. Je me souviens de parties de tarot avec ceux de la famille qui venaient en visite, d’une légèreté qui compensait la gravité de la situation. Nous ne nous sommes pas dit de choses essentielles, mais cet accompagnement tissé de gestes et de paroles quotidiennes jusqu’à la fin a été déterminant pour moi. J’ai tenu la main de mon père jusqu’à son dernier souffle, et de cela, je suis très heureux. »
Dominique, 55 ans, Nancy
L’importance du contexte
Les conditions qui entourent la fin de vie, si elles sont harmonieuses et paisibles, facilitent le vécu du deuil. D’où l’importance de ce moment. Pour autant, il n’y a pas une fin de vie, mais des fins de vie, rappelle Christophe Fauré. Et l’approche est très différente selon le contexte. La personne est-elle suivie à l’hôpital ou à son domicile ? Est-elle encore consciente, disponible à l’échange et capable de tenir une conversation, aussi fragile soit-elle ? Ses douleurs sont-elles bien contrôlées ? Ses proches sont-ils dans l’acceptation ou, au contraire, dans le déni de ce qui est en train de se dérouler sous leurs yeux ? Si les conditions sont réunies – un lieu adéquat, des symptômes contrôlés, une douleur soulagée et la capacité de communiquer avec ses proches –, alors l’accompagnement devrait être le reflet de tout ce que l’on a vécu ensemble jusque-là.
Il faudra surtout, et le plus possible, aménager autour d’elle des conditions de paix, de pardon, d’amour et de calme, précise Christophe Fauré
Ne rien imposer
Dans pareille situation, il est en effet primordial de s’ajuster au tempo de la personne qui est en train de partir, conseille le psychiatre. De comprendre, surtout, qu’elle est tellement épuisée qu’elle n’a plus les ressources d’adaptation nécessaires, physiques comme psychologiques. Si elle a toujours été pudique, eu des difficultés à montrer ses émotions, ce n’est pas le moment d’être trop démonstratif. Un défilé dans sa chambre, un débordement de tristesse, ou même des règlements de compte en famille sont des situations qu’il faudra éviter à tout prix. À l’opposé, une présence silencieuse et sereine, une main serrée fort et un regard profond valent tous les mots. En revanche, si on a eu l’habitude d’échanger librement, on pourra lui parler davantage, lui poser des questions simples : « Comment te sens-tu ? De quoi as-tu besoin ? Qui aimerais-tu voir ? » L’essentiel, c’est d’aller à son rythme, d’être fidèle à la relation passée, et de suivre son cheminement.
Un seul objectif : l’apaisement
Il faudra surtout, et le plus possible, aménager autour d’elle des conditions de paix, de pardon, d’amour et de calme, précise Christophe Fauré. On dira des mots qui apaisent, comme « je t’aime », « merci » (pour ce que l’on a partagé, pour la personne que je suis devenue grâce à toi…), ou « pardon » (si je t’ai fait du mal, ne t’ai pas compris, si notre relation a été compliquée…), ou encore « je te pardonne » (pour tes maladresses…). Et si l’on ne se sent pas de formuler ces mots – parce qu’on ne l’a jamais fait auparavant par exemple –, alors on trouvera un autre moyen, non verbal, de les exprimer. Dans sa somnolence, le malade sentira qu’on lui caresse la main, qu’on lui éponge le visage, et il comprendra parfaitement le message qui lui est envoyé. L’important, c’est que rien ne vienne causer de tourment, d’inquiétude ou de culpabilité à une personne qui vit ses derniers jours. Elle a besoin d’être rassurée, de savoir aussi que ceux et celles qu’elle laisse derrière elle, et tout particulièrement les plus fragiles, seront accompagnés et pris en charge. On lui donne ainsi la possibilité, l’autorisation même, de partir l’âme en paix.
Les associations soulagent les familles
Un rôle de médiateurs…
« Nous ne sommes pas là pour donner des conseils, prévient Martine Binda, présidente de l’association Jalmalv (1) Côte d’Azur, mais pour écouter, redonner un espace de liberté et de souffle aux familles, comme aux patients. Être des médiateurs aussi : avec nous, les accompagnants se sentent moins seuls, et les patients nous parlent à cœur ouvert, car ils savent qu’en notre présence ils peuvent abandonner leur posture de protection. Nous leur offrons une main tendue, un temps de respiration, et beaucoup de douceur à un moment où, de part et d’autre, ils manquent terriblement de tout cela. »
… et d’information
« Nous menons une grande campagne sur la loi Leonetti (2) en faveur des droits des malades, sur les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance, poursuit Martine Binda. Car nous savons d’expérience qu’avoir abordé assez tôt ce sujet de la fin de vie peut radicalement modifier le cheminement qui suivra, donc le processus du deuil. »
1. Jalmalv (Jusqu’à la mort accompagner la vie) :www.jalmalv-federation.fr.
2. Loi du 22 avril 2005 relative au droit des malades et à la fin de vie. Renseignements sur https://www.legifrance.gouv.fr/.