Quand le deuil frappe l’un de nos proches, nous sommes démunis devant sa souffrance et plongés dans notre propre angoisse de la mort. Tout l’enjeu est de maintenir le lien et en premier lieu la parole, résume Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre, responsable du département de Psychologie clinique à l’Institut Paoli-Calmettes, centre régional de lutte contre le cancer Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Marseille.
PFG et PSYCHOLOGIES s'allient pour vous proposer des éléments de réflexions sur des questions fondamentales autour du deuil. Des réponses simples et aidantes d'experts permettront d'accompagner tous ceux qui viennent de perdre un proche et leur entourage dans ce moment éprouvant.
" Une amie très proche a perdu son mari il y a un an, et depuis, elle n’arrive pas à reprendre le dessus. J’ai l’impression qu’elle s’enferme dans son chagrin. Je le lui ai dit la dernière fois que nous nous sommes vus. Je voulais la faire réagir, mais je l’ai blessée et elle ne veut plus me voir."
Rodolphe, 51 ans, Metz
Accepter que chaque deuil soit singulier
C’est une spécificité de l’être humain : dès notre naissance, nous sommes dépendants de l’autre pour survivre et nous développer, rappelle Patrick Ben Soussan.
Tout au long de notre existence, nous allons nouer des relations « investir » des êtres, dont certains – parents, amis, amours, enfants – d’une façon si profonde qu’ils deviennent « constitutifs du soi », selon les mots de Freud.
En perdant un proche, une personne avec laquelle nous avons partagé une relation très étroite, qui nous nourrissait, nous enrichissait, nous ne perdons pas seulement un autre séparé de nous, nous perdons une partie de nous-mêmes.
Toute relation étant unique, chaque mort est une expérience profondément singulière. Il n’y a donc pas une seule façon de vivre le deuil. Pas d’étapes préétablies, rien de « normal » ou pas. Il faut en avoir une absolue conscience lorsque l’on a près de soi une personne touchée par la perte d’un être aimé.
Écouter l’autre et parler avec lui
Nous vivons une époque inscrite dans l’emportement, où tout s’accélère. Les rites culturels ou religieux qui rythmaient le temps du deuil ont été abandonnés.
Ce dernier est trop souvent présenté comme une épreuve à traverser, et au plus vite.
Après la disparition d’un enfant, d’un conjoint, il arrive fréquemment que l’état d’accablement profond dans lequel on se trouve perdure après plusieurs mois, parfois davantage. Pourtant, combien de personnes constatent une forme d’impatience dans leur entourage, familial, amical ou professionnel ! Comme s’il y avait un délai accordé au chagrin, comme s’il fallait le circonscrire. C’est une douleur en plus pour la personne en deuil, alors que celle-ci a besoin avant tout que l’on respecte ce qu’elle vit, son état quel qu’il soit ! Lui faire confiance, être présent, parler avec elle, l’écouter est la meilleure façon de lui apporter du soutien, conseille le pédopsychiatre. Le dialogue permet de la resituer dans son humanité.
Patrick Ben Soussan le constate : accompagner l’endeuillé par une pensée vivante constitue un effort.
Se montrer présent dans le temps
La détresse de l’autre nous plonge dans notre propre angoisse de la mort et de la séparation. Nous pouvons très vite avoir envie de prendre nos distances, pour ne plus penser « à tout ça ». Patrick Ben Soussan le constate : accompagner l’endeuillé par une pensée vivante constitue un effort. Mais c’est un effort nécessaire, salvateur, même si cela nous fait entrevoir que nous aussi nous connaîtrons un deuil un jour ou l’autre. Il est donc essentiel d’être là dans le temps, de continuer à partager des activités avec lui, de lui signifier nos pensées, même par un SMS.
Lui manifester, d’une façon ou d’une autre, que nous sommes présents, lui rappeler qu’il fait toujours partie de la communauté des vivants, même si une partie de lui s’en est allée, l’amener progressivement à imaginer d’autres choses possibles…
Il n’y a pas de clés ni de recettes toutes faites : c’est une période difficile, mais il parviendra à la surmonter.
Devant le silence d'un enfant ou d'un ado
Les enfants comme les adolescents vivent la mort et la séparation d’une façon si violente qu’ils peuvent se réfugier dans une forme de mutisme.
Pour eux, ne plus parler, c’est aussi ne pas « en » parler. Comme avec une personne sourde, il faut continuer à lui parler, à aller vers eux, pour ne pas les laisser s’enfermer dans leur solitude. Ne pas se dire : tout ce que je lui dirai sera improductif. Là encore, la parole permet d’éviter la rupture, de maintenir le lien entre l’enfant ou l’adolescent et ce qui l’entoure.