C'est une épreuve nécessaire, on ne peut pas le cacher à l'enfant. Mais comment trouver les mots et l'attitude justes pour ne pas l'accabler ? Les conseils précieux de Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre, auteur de L'enfant confronté à la mort d'un parent, éditions Erès.
PFG et PSYCHOLOGIES s'allient pour vous proposer des éléments de réflexions sur des questions fondamentales autour du deuil. Des réponses simples et aidantes d'experts permettront d'accompagner tous ceux qui viennent de perdre un proche et leur entourage dans ce moment éprouvant.
" Après des mois de maladie, mon père est mort un matin, ma fille était à l'école. Je voulais lui annoncer la nouvelle moi-même, avant de partir avec mes soeurs rejoindre notre mère. Je l'ai vue sortir de la classe avec son petit visage tout pâle, elle avait bien compris. Je lui ai juste dit "Grand-père est mort", en la serrant dans mes bras, puis on a quitté l'école, sans un mot, en pleurant. Je me souviens de sa petite main dans la mienne sur le chemin du retour."
Laure, 43 ans, Paris.
Respecter le droit de savoir de l'enfant
Quand la mort survient dans sa famille, c'est un droit incontournable pour l'enfant de le savoir. Même un petit bébé. Dans les gestes de ceux qui l'entourent, dans leurs voix, il perçoit qu'un événement bouleversant a eu lieu.
Il faut lui parler, même s'il ne saisit pas tout, il comprend le principal : un drame s'est produit, mais on ne l'isole pas, il fait corps avec le reste de la famille, on va traverser ça ensemble. Le contexte du décès joue beaucoup. Pour un enfant qui depuis des mois se rend à l'hôpital au chevet de son parent malade, qui voit son état se détériorer, quelque chose s'est déjà formulé inconsciemment. Ce qui n'est pas le cas lorsque la mort survient brutalement.
Parler vrai
Nous voudrions protéger l'enfant de notre chagrin, ne pas s'effondrer devant lui. Mais pour le parent, formuler cette vérité, c'est aussi en prendre acte. On dit les choses comme on le peut, on a le droit d'exprimer sa tristesse. L'important c'est d'être vrai et de rester au plus près de la réalité : Grand-père est mort, sans chercher à l'édulcorer avec des il est parti en voyage... Ou il est au ciel. Tant d'enfants à la suite de paroles de ce genre sont paniqués au moment d'aller se coucher ; ou attendent vainement le retour du défunt.
Au moment de l'annonce, il arrive souvent que l'enfant n'exprime rien, retourne jouer sans poser de questions. Il a très bien compris, mais il a besoin de temps pour intégrer l’information. Quelle que soit sa réaction, il est essentiel pour lui de trouver une grande écoute, de pouvoir exprimer tout ce qu'il ressent, de sentir que son entourage est là pour lui.
Faire confiance à l'enfant
Plus que le choix des mots, ce qui est déterminant, c'est d'avoir confiance dans la capacité de l'enfant à transformer cette épreuve, dans ses ressources vitales. La vie, ça fait mal. La fonction première des parents, c'est d'aider l'enfant à se confronter au monde, en développant sa vitalité et son estime de soi.
Parler, partager, être dans l'échange, se souvenir des belles choses, de ce que nous gardons les uns des autres, même quand ils ne sont plus là. Montrer à l'enfant, comme le disait Françoise Dolto, dans « Parler de la mort » (éditions Mercure de France), qu'il y a toujours une communication avec l'être aimé : "continuer à y penser avec amour, en ne sachant pas où il est, en sachant qu'il ou elle est parti(e) dans ce lieu où nous sommes attendus nous aussi." C'est à dire le garder vivant symboliquement.
Plus que le choix des mots, ce qui est déterminant, c'est d'avoir confiance dans la capacité de l'enfant à transformer cette épreuve, dans ses ressources vitales.
La souffrance de l'adolescent
Comme nous le savons, l'adolescence est une période difficile où l'enfant ressent et exprime une ambivalence très forte vis à vis de ses proches, de ses parents, de ses frères et soeurs.
Il peut avoir des désirs de mort inconscients à leur égard. Ou laisser échapper des "qu'il crève !". Si la mort survient, il peut alors s'en penser responsable, ou s'interdire de penser : "ce que je pense devient la réalité, donc je ne dois plus penser". Il est capital de replacer la mort dans ses causes réelles, afin que l'adolescent comprenne qu'il n'en est aucunement responsable : ni dans ses actes, ni dans ses paroles, ni dans ses pensées.
Tous nos remerciements à Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre, auteur de L'enfant confronté à la mort d'un parent, éditions Erès