Déménager, quitter son travail, faire autre chose, ailleurs… Ce sont des désirs fréquents après la mort d’un être cher. Changer de vie aide-t-il à nous reconstruire ou contribue-t-il à nous fragiliser davantage ? Christophe Fauré, psychiatre et psychothérapeute, spécialisé dans l’accompagnement des ruptures de vie, auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Vivre le deuil au jour le jour (Albin Michel), nous apporte ses réponses.
PFG et PSYCHOLOGIES s'allient pour vous proposer des éléments de réflexions sur des questions fondamentales autour du deuil. Des réponses simples et aidantes d'experts permettront d'accompagner tous ceux qui viennent de perdre un proche et leur entourage dans ce moment éprouvant.
« Je suis d’origine anglaise. J’ai découvert la Provence avec mon mari et je suis tombée amoureuse de cette région. Nous avons monté une maison d’hôtes ensemble, nous faisions tout tous les deux. Il a été emporté par un cancer. Cette région m’a semblé tout à coup très rude sans lui. Nous n’avions pas d’enfants, alors dans l’année qui a suivi, j’ai vendu la maison pour retourner à Paris, où j’avais fait mes études et où vivaient mes amis. Je me sens moins seule ici. »
Julia, 49 ans, Paris.
Tenter d’apaiser la douleur
Lors d’un deuil majeur, souvent le désir de bousculer notre vie surgit. Et évolue dans le temps. Juste après la mort de la personne aimée, la première motivation est : comment faire pour arrêter d’avoir aussi mal ? Nous espérons que modifier nos repères, être happé par un nouveau projet atténuera l’intensité de la souffrance, remarque Christophe Fauré. Car tout ce qui était source d’effort, de compromis est vécu comme insupportable. Nous n’avons plus l’énergie de gérer les contraintes. Notre travail, nos activités quotidiennes… Nous avons envie de tout envoyer par-dessus bord. Souvent des patients me disent au bout de quelques mois : « Heureusement que je ne l’ai pas fait… » Or, il faut laisser passer du temps.
Envisager son existence d’une façon plus juste
Un deuxième processus, plus réfléchi, survient souvent six mois, un an après le décès, constate le psychiatre. Cela peut nous renvoyer à quelque chose de plus profond. Nous nous rendons compte que le mode de fonctionnement que nous avions avec le défunt perd son sens sans lui. La mort nous confronte à des questions essentielles de l’existence et nous invite à porter un regard plus lucide sur nos désirs, par exemple comprendre que nous ne nous sentons plus en phase avec ce que nous vivons. Dès lors, peuvent se mettre en place, lentement, des projets plus mûris, construits et bénéfiques.
La mort nous confronte à des questions essentielles de l’existence et nous invite à porter un regard plus lucide sur nos désirs, par exemple comprendre que nous ne nous sentons plus en phase avec ce que nous vivons.
Mettre au clair nos motivations
Pour se protéger d’une décision impulsive prise au cœur de la souffrance, il est sage d’attendre plusieurs mois avant de prendre une décision, qui pourrait mettre en péril notre équilibre, hypothéquer notre avenir ou celui de nos proches, recommande Christophe Fauré. Il faut s’assurer que notre projet est solide et ne se fonde pas sur un désir de fuite. Pour cela, il est important d’envisager deux aspects : « pourquoi » je pars ? Et « pour quoi » je pars ? Souvent le premier terme est très clair, beaucoup moins le second. C’est avec le temps, quand on est moins débordé par l’émotion, que l’on peut prendre du recul et bien poser les choses. Il est important de rappeler que le vécu du deuil n’implique pas nécessairement de grands changements de vie : le plus gros du travail consiste à se reconstruire soi.
Trouver le bon interlocuteur
Dans la plupart des cas, nous avons besoin d’un tiers, moins impliqué émotionnellement, pour réfléchir calmement à notre avenir.
Bien sûr, certains de nos proches seront effrayés par ce désir de changement. Il s’agit de trouver une personne qui ne s’y oppose pas, mais nous permette de sonder le bien-fondé de notre souhait, de soulever les bonnes questions : quel est ton projet ? Comment comptes-tu vivre ? Comment envisages-tu les choses dans un an, deux ans, cinq ans ? À partir de là, on peut décider ou non de s’engager dans un changement de vie à plus ou moins long terme.