On était fâchés ou on ne s’entendait pas. On avait l’espoir que les choses aillent mieux un jour. Puis l’autre meurt, c’est fini. Et on est envahi par toutes sortes d’émotions violentes. Comment mieux les comprendre et les traverser ? L’éclairage de Nadine Beauthéac, psychothérapeute, spécialisée dans l’accompagnement des endeuillés, et auteur de 100 Réponses aux questions sur le deuil et le chagrin (Le Livre de poche).
PFG et PSYCHOLOGIES s'allient pour vous proposer des éléments de réflexions sur des questions fondamentales autour du deuil. Des réponses simples et aidantes d'experts permettront d'accompagner tous ceux qui viennent de perdre un proche et leur entourage dans ce moment éprouvant.
" Je ne m’entendais pas avec ma mère, je ne me suis jamais sentie acceptée ni appréciée par elle telle que j’étais. Malgré mes efforts pour me contenir, elle avait l’art de trouver la parole en apparence anodine pour me blesser, et chaque réunion familiale se finissait par une dispute entre nous.
Il y a eu celle de trop, on ne s’est pas parlé pendant deux mois. Un jour, ma sœur aînée m’a appelée pour me dire que notre mère avait été hospitalisée pour une pneumonie. Elle est morte de façon soudaine. Mes derniers espoirs que l’on parvienne à se comprendre un jour sont partis avec elle. "Alexandra, 41 ans, Nancy.
La culpabilité du survivant
La mort d’un proche avec lequel nous étions en conflit provoque tout un cortège de sentiments : colère (pourquoi étais-tu ainsi avec moi ?), regret (j’aurais tant voulu que…), culpabilité (c’est de ma faute, pourquoi ai-je dit ou fait ceci… ?), parfois même soulagement lorsque la relation a été la source de trop de souffrances et de frustrations.
Dans le livre de Nelly Alard, Le Crieur de nuit (Gallimard, “Folio”), une femme apprend la mort de son père. « Tu es mort, enfin », dit-elle. L’enjeu du deuil sera de vivre ces sentiments, si dérangeants soient-ils, pour les faire évoluer. J’ai reçu, pendant plusieurs mois, une femme qui venait de perdre un frère qu’elle n’avait pas vu depuis des années. Il souffrait de dépression et d’alcoolisme. Elle avait refusé de l’aider financièrement – toute la famille l’aidait déjà. Il avait coupé les ponts. C’était terrible pour elle de rester sur cette discorde. Il y a toujours de la culpabilité dans le deuil : la culpabilité du survivant. Mais quand il y a eu conflit, elle prend une place prépondérante.
Réfléchir sur sa relation
Une des premières choses que je rappelle aux endeuillés, c’est que nous sommes des êtres imparfaits et avons par conséquent des relations imparfaites. C’est une réalité fondamentale qu’il nous faut accepter. Dans les groupes de parole ou les séances d’accompagnement individuel, on amène l’endeuillé à réfléchir en profondeur à sa relation avec le défunt, à comprendre de quoi était fait le conflit. Comment, à un moment précis et pour de bonnes raisons, a-t-il été amené à avoir tel comportement qu’il se reproche aujourd’hui ? Pourquoi la relation n’a-t-elle pas pu évoluer comme il l’aurait voulu ? Quelle était la part de chacun ?… On peut aussi éprouver le besoin de s’adresser au défunt. Je me souviens d’une femme dont le mari s’était suicidé. Lui écrire une lettre et la lui lire sur sa tombe, à haute voix, l’avait beaucoup libérée.
Une des premières choses que je rappelle aux endeuillés, c’est que nous sommes des êtres imparfaits et avons par conséquent des relations imparfaites.
Le va-et-vient des émotions
Le processus du deuil demande de la patience envers soi-même. Et n’est pas linéaire : les émotions vont et viennent et se modifient avec le temps, perdent de leur intensité. La colère ressentie un mois après la mort de l’autre n’est pas la même que celle qui revient au bout d’un an. Refouler ou nier ses émotions empêche le travail psychique.
Il faut au contraire accueillir et questionner nos sentiments, même s’ils nous semblent indignes, et faire ainsi de la mort une occasion de réfléchir sur sa vie, sur sa façon d’être au monde et avec les autres. C’est-à-dire une occasion de mûrir et d’évoluer.
Faire le deuil d'une relation rêvée
« J’aurais tant voulu que tu me dises ceci… Si seulement tu m’avais prise dans tes bras… Pourquoi je n’ai pas su être plus aimante ?… » Quand survient la mort d’un proche avec lequel nous étions en conflit, c’est aussi l’espoir d’une réconciliation, d’une relation aimante et harmonieuse qui disparaît. « Mon père ne m’a jamais dit qu’il m’aimait… » Il va falloir renoncer à ce fantasme de relation idéale, accepter l’autre tel qu’il était, avec ses limites. C’est-à-dire entrer vraiment dans la relation et l’altérité.
Des lieux pour dire et trouver un soutien
Pour tout deuil :
La Fédération européenne Vivre son deuil : https://www.vivre-son-deuil.com/
Pour faire face à la mort du conjoint :
La Favec : favec.org